Point de vue
Texte provenant du site de la Fédération
: FFAP Contact
Sur la question sensible de la démonétisation
Le 28 janvier 2005, le président de la Fédération
Robert Deroy a reçu un courrier de Françoise Eslinger,
directrice du SNTP, par lequel elle informait la Fédération
de la mise à l'étude par La Poste d'une possible démonétisation
des timbres-poste français :
[
] " Cette démonétisation pourrait être
faite par étapes : les timbres libellés en anciens
francs, les timbres libellés en nouveaux francs. Par la suite,
la démonétisation pourrait concerner par période
les émissions en euros. Si La Poste s'engageait dans cette
voie, elle le ferait bien entendu sans procéder à
des échanges ".
La raison invoquée par cette démonétisation
était de deux natures : l'utilisation de timbres en anciens
francs pour une valeur cent fois supérieure, c'est-à-dire
la valeur en nouveau franc, et la difficulté d'ajuster les
tarifs en euros avec des timbres-poste libellés en francs.
Une lettre identique avait été adressée à
André Borrey, président de la CNEP. Une réponse
sous quinzaine était demandée.
Le 7 février 2005, le président Deroy répondait
à Françoise Eslinger en rappelant qu'au moment du
passage à l'euro, la Fédération, représentée
par quatre membres de son bureau (Robert Garcelon, Yves Tardy, Philippe
Lesage et Robert Deroy) aux réunions du Conseil d'administration
de l'ADP, s'était déclarée favorable à
la démonétisation :
[
] " La raison était quadruple : 1) La Fédération
considérait que le timbre avait un caractère éducatif
et devait aider le citoyen à se familiariser avec la nouvelle
monnaie. Permettre l'affranchissement avec des timbres en francs
ne pouvait que conduire à créer le trouble dans l'esprit
des utilisateurs, 2) Le calcul de l'affranchissement mixte serait
un véritable casse-tête, 3) La démonétisation
conduirait à " vider " le marcher du timbre de
collection de la pléthore qui l'encombrait alors, 4) Le collectionneur
risquait de mal supporter de voir des timbres bradés utilisés
sur le courrier alors que lui-même les avait acheter à
prix plus fort. Il y avait une cinquième raison mais que
je n'ai pas avancée car elle n'était étayée
par de faits précis : le " truandage d'utilisation "
qu'intuitivement, je sentais poindre sans être capable de
lui donner une forme précise ".
Lors de ces réunions, Antoine Di Maggio, prédécesseur
de Françoise Eslinger à la direction du SNTP, s'était
alors rangé à l'avis du négoce qui considérait
cette démonétisation comme un véritable cataclysme.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
Les cotes des timbres-poste modernes sont toujours aussi basses
et l'érosion des effectifs des associations se poursuit inexorablement.
Et au moment où l'on parle de plus en plus d'abandonner le
double affichage des prix, il serait aberrant que La Poste se singularise
en étant la seule entreprise ou administration à utiliser
le franc comme valeur d'appréciation.
Quelles répercutions la démonétisation
pourrait-elle avoir sur la pratique de la philatélie ?
Les inquiétudes ne sont guère argumentées
et les différents courriers reçus à la Fédération
sont là pour en attester :
[
] " Je vous serai reconnaissant de bien vouloir peser
de tout votre pouvoir décisionnaire contre cette démonétisation
(qui va d'ailleurs à l'encontre de la valeur fiduciaire intemporelle
des timbres-poste). En effet, ceci nuira au marché philatélique,
en empêchant d'écouler par l'affranchissement les stocks
excédentaires de timbres libellés en francs et sans
doute en grossissant les stocks des marchands ou en désabusant
les collectionneurs qui, suite à cette décision de
démonétisation (sans échange) voudront se séparer
de leur stock de timbres libellés en francs " -
Patrick Mercier, Lorris (Loiret).
[
] " Je souhaiterais connaître les informations
dont vous disposez car ceci [la démonétisation] me
paraît très préoccupant pour notre loisir, et
avant d'en saisir notre conseil d'administration pour faire front
avec vous, dans la défense de nos membres, j'ai besoin de
plus de précisions " - Dominique Hardy, président
du GAPHIL, Eragny (Val d'Oise).
[
] " Je vous fais part de mon indignation, je me refuse
à croire que la majeure partie des timbres de ma collection
ne vaudra même plus le prix de la valeur faciale si une telle
mesure [la démonétisation] est appliquée "
- Vincent Bulteau, Nantes (Loire-Atlantique).
[
] " Je suis alerté depuis quelques jours par
de nombreux membres de mon association qui s'émeuvent et
s'inquiètent des conséquences désastreuses
qu'aurait une telle décision [la démonétisation]
sur la philatélie en général et sur la philatélie
moderne en particulier " - Gérard Gomez, président
de l'Association des Collectionneurs de Carnets et Publicitimbres,
Versailles (Yvelines).
[
] " La presse signalait que La Poste allait vous
consulter sur son projet de démonétisation des timbres
en francs. Cette simple annonce risque de dissuader de nombreux
collectionneurs de continuer la collection des timbres modernes
" - Francis Keledjan, Paris
Dans une seconde lettre, M. Gomez précisait :
[
] " Les timbres-poste sont des valeurs fiduciaires
et constituent des lettres de créance. Je note que la démonétisation
des timbres au type Pétain et autres qui avait fait l'objet
d'une démonétisation pour raison politique pouvait
donner lieu à échange. Puisque les acheteurs n'ont
pas été informés de la durée de validité,
La Poste a-t-elle l'intention, comme ce fut le cas pour les pièces
et les billets de banque après le passage à l'euro,
de procéder à des remboursements ? [
] Tout le
monde sait que les collections contemporaines n'ont, à quelques
exceptions près, pour seule valeur
que la faciale
pour l'affranchissement (et encore avec une moins-value !). Nous
ne libérerons pas facilement la philatélie de son
obsession de vouloir " revendre " sa collection et en
retirer une valeur minimum. [
] Le deuxième problème
serait de décourager les débutants et amateurs qui
forment un bataillon duquel émergent les spécialistes
de demain ".
Enfin, dernière lettre du président de la SO.CO.CO.DA.MI.,
Jacques Vernet, Paris :
[
] " La SO.CO.CO.DA.MI., dans son ensemble, n'est
pas favorable à une telle mesure [la démonétisation].
Les raisons en sont les suivantes :
- La cote des timbres récents est étroitement liée
à leur valeur faciale, nous pensons que leur démonétisation
conduira à une réduction importante de cette cote.
Cela ne pourra que dissuader les nouveaux collectionneurs d'entreprendre
une collection de timbres modernes et que décourager les
collectionneurs.
- De plus, très nombreux sont nos adhérents qui collectionnent
les valeurs récentes sous forme de bas de page de 20 timbres,
afin de réunir dans un même bloc, toutes les indications
de service à partir desquels sont classés les tirages.
La démonétisation, pensons-nous, affaiblirait la valeur
de ces ensembles. La perte de ce capital poussera nécessairement
nos adhérents à utiliser ces timbres sur courrier
ou à les échanger auprès de La Poste en cas
de démonétisation. Ce qui fait que la diversité
des pièces concernées chutera de façon considérable.
- L'argument qui est avancé, à savoir la lute contre
les fraudes possibles à l'affranchissement, ne nous paraît
pas sérieux, étant donné la rareté des
affranchissements en francs selon les propres données du
service courrier de La Poste. De plus, l'opportunité de continuer
à employer des timbres attractifs et variés ne peut
qu'aider au développement de la philatélie ".
Qu'ajouter de plus ?
- Dans la réponse faite à la direction du SNTP par
le président Deroy, la démonétisation par période
des émissions en euros n'est pas acceptée. De même,
toute mesure prise doit être assortie d'un délai de
mise en uvre.
- Le CNEP a rendu sa réponse récemment, en tenant
compte des conseils d'un cabinet d'avocats pour la rédaction
de son courrier. Nous n'en connaissons pas la teneur.
- Il y a peu, Françoise Eslinger a déclaré
être toujours en phase de réflexion sur cette question.
- La presse philatélique a elle aussi réagi : Atout
Timbres a ouvert le débat et provoqué des réactions
assez violentes et variées. Timbres Magazine considère
quant à lui la démonétisation comme "
nécessaire et inévitable ", et ce sous la plume
de Michel Melot.
- Evoquée en Conseil fédéral du 3 avril, la
démonétisation n'a pas suscité un intérêt
particulier, ni provoqué un débat passionné
de la part des présents.
- Les associations philatéliques (toutes ?) ont reçu
mi-avril un dossier sur le sujet, réalisé par Gérard
de Morant, explicitant la position de la CNEP.
- Il " semblerait " que, dans certains pays européens
ayant pratiqué la démonétisation, l'opération
se soit déroulée au détriment de la philatélie.
Le débat sur la démonétisation est, on peut
s'en douter, loin d'être clos.
N'aurait-il pas, par exemple, été opportun que tous
les partenaires concernés avancent leurs arguments autour
d'une table sur un sujet qui est de toute évidence sensible
?
N'oublions pas que toute opinion, quelle qu'elle soit
ou d'où qu'elle vienne, mérite d'être écoutée.
Encore faut-il qu'elle s'exprime clairement et qu'elle soit argumentée
pour être comprise et acceptée.
Il y a de nombreuses possibilités pour cette expression se
manifeste et les associations fédérées doivent
savoir que la Fédération transmet et transmettra toujours
toutes les remarques sérieuses au SNTP.
fin
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